Comprendre le droit viager au logement du conjoint survivant

Le droit viager au logement cela paraît compliqué et les réponses trouvées ici ou là sont complexes à décrypter. Aujourd’hui nous allons essayer de vous faire une synthèse précise du sujet en espérant le faire le plus clairement possible afin de vous accompagner au mieux dans vos démarches.

Définition et cadre légal du droit viager

Vous avez peut-être entendu parler du droit viager au logement, à ne pas confondre avec le droit de rester habiter dans votre maison suite à une vente en viager. 

Ce droit viager au logement est un mécanisme légal qui vous permet, en tant que conjoint survivant, de conserver l’usage et l’habitation de la résidence principale de votre couple. On parle d’un droit viager.

droit viager

Qu’est-ce que le droit viager au logement ?

Sauf volonté contraire exprimée par le défunt(e) par le biais d’un testament authentique (à l’office notarial et devant témoin), vous avez la possibilité de garder un droit d’habitation et d’usage sur la demeure qui constituait la résidence principale de votre couple à la date du décès de votre conjoint(e). Vous conservez également l’usage du mobilier qui s’y trouve, et ce tout le reste de votre vie. Le tout sans payer de loyer aux héritiers, ni de compensation financière.

 

Toutefois ce droit n’est pas automatique : il faut absolument que vous vous manifestiez dans l’année suivant la disparition de votre conjoint(e). C’est seulement à cette condition que ce droit viager deviendra effectif. 

Fondements juridiques : articles 764 et 765-1 du code civil

Ce droit viager trouve sa source dans le Code civil avec :

  • l’Article 764 indiquant que « le conjoint survivant dispose d’un droit d’habitation et d’un droit d’usage sur le logement familial et sur le mobilier qui le garnit, jusqu’à son propre décès, sauf si le défunt en a disposé autrement par acte authentique ». Cet article consacre le principe du droit viager : en l’absence de disposition contraire, le conjoint survivant peut continuer à habiter le logement familial à titre gratuit jusqu’à son décès.
  • et l’Article 765-1 qui précise la procédure d’exercice de ce droit. Il indique que « le conjoint dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’habitation et d’usage ». En d’autres termes, il est impératif pour que ce droit viager s’applique, de manifester son souhait de profiter de ce droit dans le délai légal d’un an après le décès. 

Conditions d’obtention du droit viager

Statut du conjoint survivant

Le droit viager au logement concerne le (ou la) conjoint(e), c’est-à-dire uniquement l’époux ou l’épouse marié(e) au moment du décès. Ni le partenaire de PACS ni le concubin ne peuvent prétendre à ce droit viager au logement. Eux ne bénéficient que d’un droit temporaire d’occupation gratuite (droit d’hébergement) d’un an, mais sans extension viagère (perpétuelle) au-delà de cette période. 

 

Attention toutefois, en tant que conjoint(e) survivant(e), vous devez avoir activement participé à la succession, c’est-à-dire n’être ni renonçant(e), ni avoir été frappé(e) d’indignité successorale (Source déf : https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/indignite-successorale.php). 

 

La manifestation de la volonté (même tacite) d’accepter le droit viager équivaut à une acceptation de la succession dans son intégralité.

Nature du logement concerné

Le droit viager au logement porte uniquement sur la résidence principale effective de votre couple au moment du décès. Peu importe que le logement appartienne au (à la) défunt(e) à titre individuel ou aux deux époux en indivision. Le point essentiel est que vous vivez dans ce logement au titre de votre habitation principale. 

 

A noter, si vous étiez en location le droit viager s’exerce également : vous pouvez demeurer locataire. La succession remboursera, pendant l’année suivant le décès, les loyers que vous avez payés (droit temporaire d’occupation), puis vous aurez la possibilité d’exercer le droit viager sur le bail, à condition que vous formulez l’option dans le délai imparti. Il s’agit ici d’un droit matrimonial et non plus successoral sur lequel nous ne reviendrons plus dans le reste de l’article.

Manifestation de la volonté dans l’année suivant le décès

Le délai pour exercer votre droit viager au logement est d’un an à compter de la perte de votre conjoint(e). Cette manifestation de volonté peut se faire de manière expresse, par exemple en remettant une déclaration écrite au notaire chargé de la succession, ou bien de façon tacite, à condition que votre comportement traduise clairement votre intention de rester dans les lieux à titre viager.

 

Attention, le simple fait de continuer à habiter le logement n’est pas suffisant. La jurisprudence est très stricte sur ce point. Dans un arrêt récent (Cour de cassation, 1ʳᵉ chambre civile, 25 octobre 2023, les juges ont rappelé que vous devez accomplir un acte positif qui montre sans ambiguïté votre choix d’exercer ce droit. Cela peut être, par exemple :

 

  • l’envoi d’un courrier au notaire pour indiquer votre décision de rester dans le logement à titre viager,
  • une demande de mise des factures à votre nom (électricité, eau, etc.),
  • le paiement de certaines charges ou taxes en tant qu’occupant à titre viager,
  • ou encore l’information écrite aux autres héritiers.

 

Sans une telle démarche dans le délai d’un an, vous risquez de perdre définitivement ce droit. Il est donc essentiel d’agir rapidement, même si vous vivez déjà dans le logement : votre présence seule ne suffit pas. N’hésitez pas à vous faire accompagner par un notaire pour formaliser votre volonté dans les règles.

Modalités d’exercice du droit viager

Durée et extinction du droit

Ce droit viager au logement, est, comme son nom l’indique « viager ». Il s’éteint au décès du conjoint survivant. 

 

Pendant la période d’option qui est d’un an, en tant que conjoint(e) survivant(e), vous bénéficiez d’un droit provisoire d’occupation gratuite (droit d’hébergement) du logement et du mobilier. Après que le notaire ait dressé l’acte constatant l’option (inventaire des meubles, état des lieux), le droit viager devient alors effectif. Vous pouvez demeurer dans le domicile, sauf si bien sûr si celui-ci devient inhabitable (dégâts rendant le logement impropre à l’habitation).

Obligations et droits du conjoint survivant

En tant que conjoint(e) survivant(e) et titulaire du droit viager vous avez des droits :

 

  • Vous jouissez gratuitement du logement (sans loyer).
  • Vous pouvez utiliser le mobilier compris dans le logement.
  • Et vous pouvez faire des certaines transformations légères pour l’entretien, tant que le logement reste habitable.

En contrepartie, vous avez également des obligations :

 

  • Vous devez entretenir le logement comme un bon père (ou mère) de famille. Cela implique de réaliser les réparations d’entretien courantes comme la peinture, la petite plomberie, l’entretien du jardin, etc.
  • Vous ne devez pas porter atteinte aux droits de propriété des autres ayants droit. Le logement doit conserver son état initial, il ne doit pas se dégrader et perdre de la valeur. De même, vous ne pouvez pas réaliser de modifications majeures sans l’autorisation des autres héritiers (agrandissements, divisions, etc.).
  • Vous ne pouvez pas transformer le logement en usage commercial ou agricole si ce n’est pas l’usage initial. 

Impact sur la succession et les autres héritiers

Le droit viager est exonéré de tout paiement de loyer, mais sa valeur économique s’impute sur les droits successoraux de votre part réservataire. Concrètement, la valeur de ce droit est évaluée forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit viager (qui elle dépend de votre âge au jour du décès de votre conjoint(e) et de la valeur du logement). Si la valeur du droit viager est inférieure à la part successorale que vous auriez dû percevoir, l’excédent vous revient ; si elle est supérieure, vous n’avez pas à verser de supplément à la succession (article 765 du Code civil Source : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431122?isSuggest=true).


Prenons un exemple pour être plus clair : Jean et Marie possèdent une maison estimée à 400 000 €. Jean décède le premier et au moment de son décès, Marie a 85 ans. D’après le barème fiscal du Code Général des Impôts (article 669 – Source : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006310173/), la valeur de l’usufruit de la maison est de 20 % des 400 000 €, soit 80 000 €. Quant à la valeur du droit viager elle est de 60 % de ces 80 000 €, soit 48 000 €. Cette valeur sera donc retranchée sur la part réservataire de vos droits successoraux.

usufruit

Pour les autres ayants droits (enfants, parents), le droit viager ne fait pas obstacle à la liquidation de la succession ; ils doivent simplement attendre la fin de votre droit viager pour disposer librement du logement. Toutefois, ils restent propriétaires en nue-propriété pendant toute la durée de votre droit.

Différences entre droit viager et droit temporaire au logement

Durée et conditions d’application

Le droit temporaire au logement est prévu par l’article 764 du Code civil, il s’applique de plein droit pendant un an suivant la perte de votre compagnon ou compagne au sens large du terme. Il concerne aussi bien le conjoint survivant (époux) que le partenaire de PACS (mais pendant un an seulement), ou tout autre cohabitant à titre de résidence principale. Ce droit ne requiert aucune formalité spécifique. En effet le survivant bénéficie automatiquement d’un hébergement gratuit et de l’usage du mobilier pendant un an, à la charge de la succession.

Le droit viager au logement, comme nous venons de le voir plus haut, est une option possible uniquement pour le/la conjoint(e) marié(e), et ce après l’écoulement de l’année d’occupation gratuite (article 765-1). Pour être effectif, le/la conjoint(e) doit choisir ce régime dans l’année suivant le décès. Une fois choisi, le droit s’étend jusqu’à la mort du (de la) conjoint(e) survivant(e).

CritèresDroit temporaire au logementDroit viager au logement
BénéficiairesConjoint marié, partenaire de PACS, concubinConjoint marié uniquement
Durée1 an après le décèsToute la vie du conjoint survivant
Conditions d'applicationAutomatique, sans formalitéDoit être exercé dans l’année suivant le décès
Logement concernéRésidence principale, louée ou en propriétéRésidence principale, louée ou en propriété
Usage du mobilierOuiOui
Gratuité d’occupationOuiOui
Formalisation requiseAucuneOui, déclaration expresse ou actes concrets
Conséquences patrimonialesAucune incidence sur la successionImputation sur la part d’héritage (60 % de l’usufruit)
Extinction du droitÀ l’issue de l’annéeAu décès du conjoint survivant
Peut être exclu par testament ?NonOui, par testament authentique

Conséquences juridiques et patrimoniales

Sur le plan patrimonial, le droit temporaire (un an) n’a pas d’incidence directe sur la valeur de l’héritage, hormis le remboursement par la succession des loyers en cas de logement loué (les loyers que vous avez payés sont remboursables sur la succession). 

 

En revanche, le droit viager modifie la répartition économique de votre héritage puisqu’il s’impute sur la quote-part réservataire. En effet, ce droit d’usage à vie n’est pas « gratuit » d’un point de vue patrimonial. Autrement dit, la loi considère que le fait de pouvoir vivre gratuitement dans le logement a une certaine valeur économique. Cette valeur est déduite de ce que vous auriez reçu par ailleurs dans la succession (en pleine propriété ou en usufruit). Résultat, plus le droit viager a de valeur, moins vous recevrez d’autres biens ou de droits dans la succession.

 

C’est une sorte de « compensation » vis-à-vis des autres héritiers : votre droit de rester de façon permanente dans le logement réduit d’autant votre part successorale restante.

 

Un notaire pourra vous expliquer précisément comment cela se calcule selon l’âge que vous aviez au moment du décès, la valeur du bien concerné, et la composition de la succession. Mais retenez que le droit viager est une option à part entière, et qu’il vient en déduction de votre héritage, pas en complément.

 

Par ailleurs, jusqu’à extinction du droit viager, les autres héritiers ne peuvent jouir librement du logement ni en percevoir les fruits (loyers éventuels) : ils sont nus-propriétaires sans pouvoir user du bien ou en recevoir le loyer.

Pour aller plus loin : cas particuliers et jurisprudence

Privation du droit viager par testament

En tant que conjoint, vous pouvez être privé de votre droit viager si le/la défunt(e) l’a expressément indiqué par testament authentique (dicté à deux notaires, ou à un notaire en présence de deux témoins). En pratique, cette clause est rare, car elle diminue fortement la protection du conjoint survivant. 

 

Lorsqu’un testament authentique stipule la privation de votre droit viager, vous ne pouvez ni exiger l’option ni obtenir la jouissance gratuite du domicile après l’année d’hébergement provisoire. Vous êtes ainsi dans la même situation qu’un tiers successeur pour ce qui est de l’accès au logement familial.

Situations de renonciation ou de déchéance du droit

Vous pouvez tout à fait renoncer expressément à votre droit viager au logement, soit au moment du décès (dans l’attestation de propriété établie par le notaire), soit postérieurement, toujours dans le délai d’un an. 

 

Attention toutefois lorsque vous exercer une renonciation. Si vous envisagez d’exercer uniquement votre droit viager au logement, sans accepter le reste de la succession (ni en pleine propriété, ni en usufruit), vous devez être très vigilant. En effet, la loi considère qu’en agissant ainsi, vous renoncez à votre héritage dans son ensemble. Concrètement, cela signifie que vous ne recevrez rien d’autre que le droit de rester dans la maison ou l’appartement jusqu’à votre disparition. Tous les autres biens de la succession comptes bancaires, meubles, assurances-vie non dénouées, etc. iront directement aux autres héritiers (enfants, petits-enfants, frères et sœurs, etc.), sans que vous puissiez y prétendre.

 

Il est donc essentiel de bien comprendre les conséquences d’un tel choix : le droit viager peut être exclusif, et dans certains cas, il peut même vous faire perdre des droits que vous auriez pu avoir en tant qu’héritier légal.

 

Par ailleurs, une déchéance de votre droit viager peut également intervenir en cas d’inaction dans le délai légal. Vous devez impérativement manifester pas votre volonté d’option dans les douze mois suivant le décès pour ne pas perdre définitivement votre droit viager (Cour de cassation, 1ʳᵉ ch. civ., 25 oct. 2023, n° 22-26.345 (Source : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101034003-cass-civ-1-25102023-n-2123999-fd-cassation).

Conclusion

Le droit viager au logement constitue une protection essentielle pour vous, si vous êtes le conjoint survivant : il vous permet de rester dans votre résidence principale à titre gratuit jusqu’à la fin de vos jours, même si le logement appartenait à votre époux(se) décédé(e). Ce droit est encadré par les articles 764 et 765-1 du Code civil, et pour en bénéficier, il est indispensable de manifester votre volonté dans l’année qui suit le décès.

 

Mais attention : ce droit n’est pas sans conséquences sur le plan patrimonial. Sa valeur est prise en compte dans le règlement de la succession, ce qui peut réduire d’autant votre part d’héritage. Il peut aussi être écarté par testament ou perdu si vous ne l’exercez pas dans les temps. C’est pourquoi il est essentiel de vous faire accompagner pour sécuriser vos droits et éviter toute mauvaise surprise.

 

Et si vous n’étiez pas marié(e) avec votre compagnon ou compagne ? Dans ce cas, vous ne bénéficiez pas du droit viager légal. Si la maison ou l’appartement appartenait uniquement à la personne décédée, vous risquez de devoir quitter les lieux rapidement, sans protection. Pour éviter cette insécurité, il est possible d’anticiper : par exemple, en réalisant une vente en viager occupé sur deux têtes. Ce type de vente permet au survivant de conserver le droit d’usage et d’habitation à vie, même si le bien n’était pas à son nom. Une solution intelligente, humaine et sécurisante, que nous proposons chez Osez Viager.

 

Comprendre vos droits et anticiper les situations délicates, que vous soyez marié(e) ou non, est donc indispensable. N’hésitez pas à vous faire conseiller : ces sujets touchent à l’intime, mais ce sont aussi des choix de protection pour l’avenir.

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